Omen

Une partition Edith Canat de Chizy pour musique d'orchestre.

MUSIQUE D’ORCHESTRE

Omen (2006)

21/10/2006 – Paris, Radio France – Orchestre National de France, Alain Altinoglu (direction)

Instrumentation : Orchestre

Nomenclature : 2(+picc).2(+ca).2(+clB).2(+Cbn) / 4.3.3.1 / hp / pno / timb / 3perc / 14.12.10.8.6

Durée : 15′

Editeur : Henry Lemoine

Le point de départ de cette pièce fut le tableau de Van Gogh : Champ de blé avec corbeaux, l’un des tout derniers qu’il a peints avant son suicide le 27 juillet 1890, et que l’on a souvent considéré comme annonciateur de ce geste désespéré. Ce tableau m’a immédiatement rappelé ces vers français de Rainer Maria Rilke dans les Quatrains valaisans : « Chemins qui ne mènent nulle part, entre deux prés, que l’on dirait avec art de leur but détournés, / Chemins qui souvent n’ont devant eux rien d’autre en face / Que le pur espace et la saison. » Des vers qui, eux-mêmes, ont donné leur titre à un ouvrage du philosophe Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, dont je pourrais dire qu’il est à l’origine de ma vocation : c’est après avoir découvert, durant mes études de philosophie, ce livre, dans lequel Heidegger parle de la dimension métaphysique de la poésie, notamment à partir de l’oeuvre de Rilke, que j’ai choisi d’entrer au Conservatoire de Paris et de me consacrer à la composition. A mes yeux, la musique possède une dimension métaphysique au même titre que la poésie : comme le dit Heidegger « L’oeuvre d’art ouvre à sa manière l’être de l’étant. » Toutes mes oeuvres tendent à évoquer cette « troisième dimension » de la musique. L’essentiel d’une oeuvre réside toujours pour moi dans cette tentative de suggérer un autre monde, cet « ailleurs » qui nous dépasse.

A cet égard, Omen fait intervenir – dans son inspiration, non dans son écriture proprement dite – tout un réseau de correspondances qui offre en quelque sorte, une synthèse de ma démarche et de mes préoccupations. L’allusion au tableau de Van Gogh tout d’abord, inscrit cette partition dans la lignée de celles qui m’ont été inspirées par la peinture : mon concerto pour alto était centré autour de Nicolas de Staël, et je viens d’achever une composition pour flûte et ensemble à partir d’un tableau de Turner. Ensuite, il y a la figure même de Van Gogh : son parcours spirituel, tout comme celui de Staël, en font l’une de ces « comètes », venues d’un autre monde, dont parle la poétesse Marina Tsvetaïeva. Le titre de Omen, qui signifie « présage » en anglais de même qu’en latin, évoque ainsi le mystérieux et funeste destin de ce peintre visionnaire. Cette idée de « trajectoire » (qui rejoint ici l’image du « chemin ») est un autre des thèmes qui me sont chers, et elle est également à l’oeuvre dans Omen. L’écriture pour orchestre reste mon mode d’expression privilégié de par la réflexion sur l’organisation de l’espace sonore, sa profondeur, et le travail sur les timbres qu’elle induit : dans cette pièce, l’orchestre devient un univers de mouvement propre à traduire cette idée de tournoiement (la dialectique entre mouvement et immobilité est un autre axe de mon travail depuis quelque temps, notamment avec les cordes) qui, dans le tableau de Van Gogh – avec le vol des corbeaux, ce ciel renversé – revêt une signification évidemment dramatique, et prémonitoire.