EN 2005, Edith Canat de Chizy entrait à l’Institut de France par la grande porte. Première femme élue à la section musicale de l’Académie des beaux-arts, elle trouvait ainsi une manière de consécration… balayée d’un revers de main de sa part pour tout ce qui pourrait relever de l’anecdote. Compositeur (ne surtout pas dire « compositrice ») à l’aise avec l’orchestre (en témoignent plusieurs « résidences » auprès des phalanges symphoniques, de Besançon à Lyon), Edith Canat de Chizy sert la forme orchestrale, parfois sous le biais concertant, afin de développer des correspondances musicales avec d’autres formes d’art.
Pour autant, pas question de lui coller une étiquette « figuraliste » ou « illustrative ». Et pas davantage celle de « mystique ». Si le sacré la fascine, elle refuse tout amalgame avec la « spiritualité New Age » qui fait florès depuis un certain temps. La peinture (Nicolas de Staël à l’origine du concerto pour alto Les Rayons du jour), la philosophie (Heidegger) et la poésie (Philippe Jacottet) offrent souvent l’idée première d’un parcours que chacun doit imaginer à sa façon. Imaginer : le mot-clé de la création selon Canat de Chizy.
Formée au Conservatoire de Paris, à une époque « où le langage prenait le pas sur l’imagination », la musicienne a appris la liberté au contact de Maurice Ohana, assumant son goût de l’indépendance loin des chapelles et des écoles. Au point, comme son mentor, d’avoir effectué une traversée du désert ? « Nullement », rétorque la benjamine de l’Institut qui pense être parvenue à réaliser tous ses projets en dépit d’un handicap hérité de son éducation : « attendre qu’on vous propose sans jamais demander de soi-même ».
Davantage sollicitée depuis le début des années 2000, Edith Canat de Chizy se concentre dorénavant sur la composition et l’enseignement (au Conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Paris). Elle n’a connu ni crises esthétiques ni changements d’orientation stylistique, et plaide pour une « évolution lente et constante » de l’état de compositeur qui se traduit par l’exploration dans une oeuvre de pistes laissées en suspens dans la précédente. Avec toujours la force motrice d’un questionnement tel que formulé par René Char : « Comment vivre sans inconnu devant soi ? »
C’est au sortir de la classe d’Ivo Malec dans les années 1980 qu’Edith Canat de Chizy, attirée par le médium électroacoustique, a réalisé une pièce pour bande dans les studios du groupe de recherche musicale de Radio France et puis plus rien avant longtemps dans ce domaine. Pourtant, les techniques de l’électroacoustique ont fortement influencé son écriture pour orchestre. Elle effectue aujourd’hui, à l’Ircam, le chemin inverse, partant du modèle instrumental pour guider les transformations électroniques. Née un quart de siècle jour pour jour après Pierre Boulez, soit le 26 mars 1950, Edith Canat de Chizy aura attendu le même laps de temps pour recevoir enfin sa première commande de l’institution boulézienne, Over the Sea, qui sera créée au Théâtre des Bouffes du Nord le 11 juin.
Pierre Gervasoni Le Monde 31 Mai 2012
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